Des olives au delà de tous Soupions …
Les soupions, prononcés à la Provençale, c’est déjà une invitation à la bombance, un appel discret aux plaisirs… le fenouil, l’ail, le coriandre, le basilic, un peu de jambon cru… mais surtout l’olive. Ah l’olive, ventre à terre, tellement pressée d’accourir qu’elle en est toute cabossée…
Oui, il y a un moment dans l’année, où l’olivier donne le meilleur de lui même, le plus frais, le plus vif; lorsque son fruit est au plus ferme et dégage les arômes les plus verts. C’est maintenant. Septembre, Octobre, Novembre, c’est le moment de vagabonder dans les Alpilles, aux Baux de Provence pour glaner la Grossane. La grosse, verte bien potelée de Maussane, vous aurez beau la cueillir, c’est elle qui vous fera tomber.
Ah les Alpilles… Mr Seguin et sa chèvre… pas si bête… un refuge. Les conjurés florentins, loin des foudres médicéennes, Nostradamus, les bons vivant sont là : “Le jour où le monde arrivera à sa fin, l’eau montera jusqu’à la stèle du Mas de la Dame”… Le Mas de la Dame au centre des Baux, LE VIN bio et délicieux, et ses olives… ils ont tout prévu.
Le jour où l’eau remplacera le vin et l’huile… en Provence autrefois, l’accoucheuse recevait le nouveau né dans ses mains ointes d’huile d’olive et le plongeait dans un bain de vin rouge… c’est sûrement de ce fantasme qu’est né notre recette, née à l’huile, rougie au vin :
Dénoyautez les olives, taillez finement fenouil, ail… sautez le tout au wok, à l’huile d’olive et au sel, des feuilles de célerie réduites à leur plus simple appareil, rapide, efficace.
Les olives, Horace, dans ses moments de frugalité, les préférait à tout autres mets, Martial les tenait avec raison pour un apéritif propre à remédier aux effets du vin. Les Grossanes, elles anobliraient même un canard.
Aujourd’hui c’est le tour de deux petites sèches qui n’ont rien demandé, mais elles le méritent. Au wok, même chose, al dente. On les dresse dans le plat. Il faut bien, un peu de tenue c’est la première fois. On les fourre de la préparation d’olive de la tête aux gambettes… facile il y a huit pattes dans une sèche.
Autrefois au Béarn, on appelait les petits couillons, des “oulibètes”. Les devins du temple de Mylitta suçaient bien fort les noyaux d’olive, y appliquant la plus grande habileté devant des hommes en haleine de connaitre leur futur. Mylitta c’était l’Aphrodite de la Grande Putain de Babylone, le berceau de notre humanité.
C’était le devoir de chaque femme de bonne famille d’aller s’y prostituer, au moins une fois l’an. Mylitta, les olives dénoyautées et les délices de bouche… Mylitta, la naissance du militantisme ?
Calmons nous, on passe le jambon cru au wok, croustillant, on l’abreuve d’une rasade de vin doux du Mas Amiel de Maury, si on n’a plus de cette vieille et tendre brute de Vinsobre déclassé pour avoir été trop capiteux et lubrique. Née à l’huile, rougie au vin. un peu de coriandre. Un peu de coriandre, tout dans la délicatesse.
L’olive c’est la “fleur de joie” du Sonnet du trou du cul de Verlaine:
” C’est l’olive pâmée et la flûte câline,
C’est le tube où descend la céleste prâline,
Chanaan féminin dans les moiteurs éclos!”
En réalité les olives sont moins des irritations buccales, que des plaisirs tactiles “Graciles olives polies avec les doigts qui firent la colombe et la conque marine : verts, innombrables, trés purs tétons de la nature…” merci pour la démonstration Pablo Neruda : l’important c’est toujours vierge, première pression, à froid.
Un Grec ou un Romain ne les aime pas mûres. Le secret de longévité c’est “l’omphacine”, le jus visqueux de l’olive encore verte, dure et fraiche. On en oint les athlètes avant les Jeux. Miel au dedans, vert-amère au dehors, le vainqueur reçoit l’huile d’Athéna et la couronne d’Olivier, l’arbre akeratos, le sans corne, l’éternellement vivant. C’est du grec, pas de la corrida.
C’est l’odeur de l’huile chaude sur le corps qui différenciait l’homme libre de l’esclave, une sueur divine, une rosée d’or vivant. C’est l’huile “fruttato” en Italie, la “S’Olivariu” de Cesare Samugheo de Cuglieri en Sardaigne, encore si nerveuse et piquante d’amertume d’avoir été récoltée si tôt; A Mallorque, c’est la mythique DAURO récoltée uniquement sur des arbres de plus de 200 ans, juste après les pluies de Septembre qui l’ont assagie un peu pour la convaincre de dévoiler toutes les subtilités d’une gamme de goût qu’un seul clavier ne suffirait à exprimer. Comble du fantasme, jusqu’ici on pensait que l’olive passait du vert au noir sur le spectre de couleur de Newton. chez Dauro l’olive est récoltée couleur chair, unique au monde, un miracle.
Trésor de la vie, trésor de chair, quand la mer rencontre la montagne, le devin nous enjoint de trinquer avec le Stèle Blanc 2008 du Mas de la Dame…… en attendant les eaux. TRINK…
photos Larry Clergue