Argentine 5 : transformer une pollution en biodiesel
April 18th, 2009Lorsque nous sommes arrivés dans ce territoire de 40 000 ha, la politique agricole avait été complètement bouleversée depuis 4 ans. Les anciens propriétaires n’avaient pas d’argent à investir dans ce lieu; on faisait avec les moyens du bord. Les nouveaux propriétaires ont fait appel à des ingénieurs agronomes modernes qui ont pris les choses en main, pour le meilleur et pour le pire.
Avec cette modernité apparait l’utilisation de produits chimiques comme remède à tout: on veut démaquiser, un coup de 24D, on veut désherber avant de planter, un coup de glyphosate et des semences OGM résistantes au glyphosate, on veut nettoyer cours d’eau et canaux d’irrigation, un coup de 24D mélangé au 245T additioné de chloromethane et d’un détergent pour faire mieux pénétrer les produits chimiques dans les plantes… (mélanges tristement célèbres… agent orange, agent rouge, agent blanc… couleurs que l’artificier américain choisissait pendant la guerre du Vietnam selon la topologie du lieu à attaquer).
Lorsque l’on a affaire à autant de produits à faible capacité de biodégradabilité lachés dans la nature, nous parlons de bioaccumulation; un concept qui n’est qui n’est que trés peu pris en compte par les institutions de surveillance et controle, voire jamais.
Ces produits chimiques sont utilisés pour désherber, donc toutes les plantes locales disparaissent et font la place belle aux plantes d’origines étrangères… en observant bien l’on se rend compte sur les champs aspergés qu’une semaine plus tard ces plantes sont encore là en tout petit, mais avec de nouvelles plantes… d’où une deuxième voir une troisième aspersion. Le glyphosate, 24D, etc. sont tous issus de la recherche pendant la guerre de ICI en Angleterre et Dow Chem aux US pour aider à apporter une fin radicale à la 2nd guerre mondiale en aspergeant les champs des nazis pour les faire creuver de faim.
Nous parlerons des incidences sur les animaux déclenchées par l’utilisation intempestive de cette chimie plus tard. 2 semaines d’études systématiques approfondies sur ce lieu précis nous montrent que l’aspersion de cette chimie herbicide provoque ici, dans cette vallée, par la suite, la prolifération de 2 plantes: le galega officinal, et la grande cigue; toutes deux sont d’origine méditerranéenne.
Le galega est une plante légumineuse qui en Europe est réputée pour son utilisation contre le diabète. Ici comme le bétail n’en veut pas, elle est considérée comme une indésirable. Gérard Ducerf qui avait une commande de galega officinal par un laboratoire pharmaceutique avant de venir en Argentine était dégouté. En Europe impossible de mettre la main sur cette plante en quantité suffisante pour le labo, ici il y en a des tonnes mais impossible à récolter car sur un terrain aspergé de chimie.
La grande cigue, tout le monde la connait, c’est un poison violent rendu célèbre par Socrate.
Au dessus, vous voyez une bande blanche de cigue apparue 2 semaines après le passage du monsieur à droite qui asperge le mélange désherbant local décrit plus haut.
Voila les deux mollecules essentielles du desherbant. Comme on le voit nous sommes en présence d’hexagones de carbones avec trois doubles liaisons chacun… quasi impossible à biodégrader… mise à part la combustion, tout aussi polluante… lesfoodingues utilisent des champignons et quelques bactéries pour préparer les terre en effectuant un tel tour de force.
Mais voila, sur une grande superficie cela peut avoir des conséquences dramatique. Un passage de glyphosate et 2 passages de 24D ont provoqué la prolifération de la grande cigue sur 30 ha… Et là il n’y a plus rien à faire. Plus on asperge plus elles reviennent.
D’un côté c’est bien qu’elles reviennent car elles ont un rôlede dépollution à assurer et de restructuration des sols à effectuer après une attaque chimique qui a eu un impact certain sur la flore microbiologique du lieu. Quand la plante indicatrice de pollution est un poison violent c’est une autre chose. La cigue dans ce biotope précis joue un peu le rôle chez nous de l’Ambrosia artemisiafolia. Le rôle d’un indicateur de pollution grave par une plante mortelle pour l’homme qui cependant peut devenir un médicament dans les dosages had hoc.
Les chevaux rentrent dans ce champ de cigue de 2m de haut, les oreilles en arrière, c’est à dire avec la plus grande appréhension. Un homme en combinaison de cosmonaute pourrait débroussailler… mais c’est ultra dangereux l’homme a produit là plus de 30 hectare de poison mortel. La plante a son rôle de dé-pollution à jouer, après elle disparaîtra… mais quand brûler le champ? Nous risquerions de créer des vapeur de cyanure tout aussi nocive que la plante… Trop dangereux. Il n’y a plus rien à faire.
Voila où nous intervenons:
Au milieu de la vallée, il y a une rivière. A la fin, un goulot à travers la montagne. Que se passerait-il si nous inondions le champs? Nous aurions la production de méthane, de carbone fossile, de CO2 et de cyanures et de nitrites…l’enfer. Mais sans s’en rendre compte nous venons là de recréer une micro planète des temps géologiques qui ressemble au quotidien du précambrien… le Protérozoique. La chose intéressante dans la botanique est que des bactéries aux blé ou aux orchidées tous les ages géologiques du vivant sont représentés… c’est l’évolution de ces êtres qui a préparé la terre pour notre propre développement, nous humains.
Alors qu’est ce qui vivait au précambrien? des micro algues… Ces micro algues utilisent le cyanure comme une sorte d’engrai et transforment le CO2 en oxygène. Elle se reproduisent toutes les 6 heures environ et lorsqu’elles sont mûres leur corps est composé de 30 à 60% environ d’huile. Résultat: ces micro algues dépolluent, produisent du bio diesel et le reste de protéines avec des vitamines et de la chlorophylle.
Sur 30 ha nous allons pouvoir produire suffisamment de diesel pour la propriété, fuel de chauffe comme diesel pour les voitures et les tracteurs et le résidu? du tourteau d’algue qui pourra complémenter la nourriture du bétail l’hivers et si le besoin se fait sentir il pourra être utilisé comme engrais pour les cultures.
Cette algue peut-elle devenir envahissante et polluer tous les cours d’eau? Non, car elle est trop haute dans la chaine alimentaire et peut nourrir tout le monde. C’est un véritable bonbon. C’est bien le problème d’ailleurs. Une fois l’endroit dépollué et cette algue développée, quelle quantité échapera-t-il de la prédation (poissons, batraciens, oiseaux…)? La production d’algue assez conséquente, avec une estimation suite aux essais en laboratoire de 90tonnes ha/an.
Désormais les foodingues sont en train d’affiner la sélection de la bonne algue et de créer un design adapté à l’endroit, pour récolter et faire le process pour presser et séparer le tourteau de l’huile. Une vrai création qui permettra à terme de libérer les fermiers des contraintes énergétiques.
Si la production d’algues se développe comme prévu, la pollution sera maintenu à terme en versant dans cet espace les peaux des noix afin de fournir le carbone et le cyanure nécessaire à l’algue. Ce serait une manière idéal de se débarrasser des résidus de la culture de noix qui pourrait devenir une pollution conséquente vu les surfaces considérables de noyers (400 arbres sur 50 ha).
Si cette production d’huile n’est pas suffisante… l’algue aura servit de dépollueur et sauvera la vallée d’une contamination au cyanure et de dégagement de gaz à effet de serre. Donc un bilan positif quoiqu’il arrive.